TROIS SEMAINES EN MUSIQUE

Projection en présence de Jean-Jacques Péché


A la base, le film "Trois Semaines en Musique" est le résultat de 17 exercices d'initiation à la démarche documentaire réalisés dans le cadre de la deuxième année d'études et de formation aux métiers du cinéma de la HELB (Haute Ecole Libre de Bruxelles) où j'enseignais. Au terme de ces travaux, un montage de 26 minutes des meilleurs moments de l'ensemble de la matière accumulée (11 heures) a été réalisé.

 

            68 étudiants, principalement concernés par les techniques de l'image, du son et du montage, ont eu l'occasion de découvrir ainsi durant trois semaines l'enseignement de la musique organisé à l'académie de musique Jean Absil de la commune d'Etterbeek, à Bruxelles.

 

            Transmettre le plaisir de percevoir le monde, de le lire et de le capter. Apprendre à fractionner cette réalité pour mieux la reconstruire et la restituer à travers le filtre de sa sensibilité, est un des objectifs poursuivis dans ce travail. Un montage qui devrait faire écho à cette définition: un documentaire n'est rien d'autre qu'un traitement créatif de la réalité qui donne des informations sur le monde et sur la condition humaine.

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            Qu'est-ce qu'un documentaire ? Dans les nombreuses tentatives pour le définir, on retrouve diverses expressions qui renvoient fréquemment à l'écriture… ou à la vérité. Qu'il s'aqisse du Kino-Pravda de Dziga Vertov, en URSS vers 1920, du cinéma-vérité (Canada vers les années 1950; une terminologie reprise par Edgard Morin en France, au début des années 1960), de la Caméra stylo, de l'écriture par l'image, du Candid Eye aux USA (Drew, Leacock) ou du cinéma direct, une terminologie influencée par le son direct qui apparaît vers 1960 et qui introduit une nouvelle authenticité: celle du parler vrai, mais aussi l'idée d'un contact direct avec le réel.

Ce qui est très remarquable dans ces diverses terminologies, c'est que le documentaire n'a généralement que bien peu de choses à voir avec l'écriture ou la vérité.

 

            A ce propos, Claire Denis, la cinéaste française, n'hésite pas à affirmer qu'un documentaire ne s'écrit pas; il se réalise. Cette réflexion a le mérite de souligner qu’un documentaire ne repose pas sur la qualité d’un texte ou sur son respect, mais plutôt sur la richesse et la qualité des repérages et des personnages choisis. Ici, un texte ne doit jamais s'imposer, il n’est qu’une base sur laquelle le tournage doit s’organiser, se construire.

 

            En ce qui concerne les personnages choisis, Claire Denis n'hésite pas à dire: je fais le casting, ils font le film. Dans le documentaire, on apprend en effet à se nourrir d'abord de l'autre, celui ou celle vers qui l'on va. On s'efface derrière cette personne qui est l'objet de toutes les priorités pour envisager de faire un film avec elle plutôt qu'un film sur elle. En documentaire, c'est la situation, les événements, le personnage que l'on suit qui décident de l'enregistrement. On travaille à voix basse, sans clap; on est comme des chats prêts à bondir, à capter. On est angoissé à l'idée de ce qui va se passer et qu'on ne connaît qu'en partie grâce aux repérages. On redoute l'évènement imprévisible… et à la fois, on le souhaite, on l'attend… dans l'angoisse. Car il y a évidemment de bonnes surprises et des mauvaises. On lance la caméra d'un coup de tête, d'un regard, dans le silence, car on veut perturber le moins possible ce qui devrait se passer. Ici on ne dirige pas, on capte. On se glisse dans une réalité… On entre dans une observation participante. Le documentaire est une véritable école de l'écoute et de l'observation.

 

            On reviendra sur ces singularités, ces notions d'angoisse et de tension intérieure qui ne sont pas sans conséquence sur notre travail lors des tournages. Mais disons déjà que le documentaire aide à aller vers la fiction, car on y apprend d'abord à voir et à écouter les autres pour découvrir rapidement qu'en parlant des autres, on parle inévitablement de soi.

 

                                                                                               Jean-Jacques Péché